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Le « droit à la preuve » et les réseaux sociaux

L'employeur peut produire en justice des photographies envoyées sur un groupe Messenger, portant atteinte à la vie privée de salariés, si cela est indispensable au droit à la preuve et proportionné à un objectif de défense de ses intérêts légitimes.

Bien que cet arrêt inédit rendu le 4 octobre 2023 (Cass. soc., 4 oct. 2023, n°21-25.452) ne révolutionne pas le droit à la preuve et se contente de rappeler des solutions déjà consacrées, il permet néanmoins d'asseoir encore un peu plus la possibilité pour l'employeur de justifier des licenciements en rapportant devant les tribunaux des preuves certes illicites mais admises dans certaines circonstances bien spécifiques et contrôlées par les juges du fond.

En la matière, nous nous rappelons le retentissement juridique provoqué en 2020 par les arrêts Petit Bateau (Cass. soc., 30 sept. 2020 n°19-12-058) et Agence France-Presse (Cass. soc., 25 nov. 2020 n° 17-19.523) qui ont approuvé, pour l'un, le fait qu'un employeur se prévale d'informations extraites d'un compte privé Facebook et pour l'autre, qu'il s'appuie sur des données personnelles dont le traitement est illicite pour fonder des licenciements de salariés.

La chambre sociale reconnaissait alors pour la première fois l'admissibilité de moyens de preuve illicites en matière prud'homale.
Les faits de l'arrêt commenté sont les suivants : deux infirmières travaillant dans un hôpital ont été licenciées pour faute grave à la suite de la survenance de faits d'une grande gravité.

En effet, ces salariées ont, avec d'autres collègues, introduit et consommé de l'alcool dans l'hôpital, et ce, dans le cadre de soirées festives organisées en son sein, parfois même pendant la durée du service. De mauvais traitements ont alors été infligés aux patients.
Les infirmières ont également participé à une séance photo, en maillot de bain, dans une salle de suture de l'hôpital. Les clichés ont ensuite été partagés sur le groupe Messenger auquel les salariées appartenaient.
L'employeur s'appuie sur plusieurs éléments pour justifier sa décision de licencier les salariées contrevenantes parmi lesquels des photos et vidéos provenant d'un groupe de discussion Messenger.

Contestant le bien-fondé de leur licenciement, les salariées soutenaient notamment l'irrecevabilité de ces éléments de preuve. Cependant les juges du fond ne vont pas dans leur sens et considèrent que les photographies étaient légitimement produites aux débats dans la mesure où elles avaient été prises sur le lieu de travail, à destination d'une ancienne collègue, et relevaient donc de la sphère professionnelle.

Toutefois pour les salariées, les juges du fond n'ont pas démontré que la production des photographies litigieuses était indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi à savoir la défense de l'intérêt légitime de l'employeur à la protection des patients confiés aux soins des infirmières
Dès lors, la Cour de cassation devait répondre à la question de savoir si le droit à la preuve de l'employeur justifie la production de photographies issues d'une conversation Messenger qui a un caractère illicite car portant atteinte à la vie privée des salariées licenciées.

Elle répond par l'affirmative et considère que la cour d'appel a suffisamment démontré que la production de ces clichés était effectivement indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi et en conséquence, l'ensemble des éléments de preuve présentés par l'employeur étant recevable, ils permettaient bien de caractériser les manquements des salariées et donc de justifier leur licenciement.

Enfin de façon subsidiaire mais non négligeable, la Cour vient rappeler la force probante d'un témoignage anonyme accompagné de d'autres éléments concordants et en cela applique sa jurisprudence récente (Cass. soc., 19 avril 2023 n° 21-25.452).

On ne peut que conseiller aux salariés tentés d'opposer une atteinte à leur droit à la vie privée pour se défendre contre la preuve de manquements de leur part à leurs obligations professionnelles d'adopter une autre stratégie afin d'emporter la conviction des juges.

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