LA COUR D'APPEL DE PARIS RESISTE AU BAREME MACRONPublié le 12 avril 2021
Les barèmes d’indemnisation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dits « barèmes Macron », introduits par les ordonnances du 22 septembre 2017 sont toujours sujets à controverses.
Avant 2017, les salariés dont le licenciement était reconnu sans cause réelle et sérieuse ayant au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise de plus 11 salariés pouvaient bénéficier d’une indemnité d’au minimum 6 mois de salaire. Depuis les barèmes Macron, l’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse doit être comprise entre un plancher et un plafond dépendant de l’ancienneté du salarié. Ces barèmes ont fait l’objet d’une vague de contestation devant les conseils de prud’hommes. Il était demandé aux conseillers de réaliser un contrôle de conventionnalité afin d’écarter leur application. Le contrôle de conventionnalité consiste à étudier la conformité d’un texte français à des textes européens ou internationaux. Si le juge estime que le texte français est contraire au texte supranational, il doit alors écarter son application. Se posait ainsi la question de la conformité de l’article L1235-3 du Code du travail à deux textes :
Pour rappel, le 17 juillet 2019, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation avait rendu deux avis dans lesquels les juges considéraient :
La Cour d’appel de Paris dans deux arrêts l’un du 18 septembre 2019 (n° 17/06676) et l’autre du 30 octobre 2019 (n° 16/05602) se conformait aux avis de la Cour de cassation et jugeait que les barèmes étaient bien conventionnels. Cependant, le 16 mars 2021 (n°19/08721), pour la première fois la Cour d’appel de Paris a écarté l’application du barème au terme d’un contrôle de conventionnalité in concreto. En l’espèce, une salariée de 53 ans avait été licenciée pour motif économique. Le licenciement est d’abord reconnu sans cause réelle et sérieuse, puis les juges d’appel analysent concrètement le préjudice de l’appelante. Ils relèvent d’abord que la salariée était prise en charge par pôle emploi depuis la rupture de son contrat de travail, soit d’octobre 2017 jusqu’au mois d’août 2019. La salariée apportait également la preuve de sa recherche d’emploi par diverses candidatures. Puis, les juges apprécient concrètement le préjudice de la salariée qui avait subi une perte de salaire estimée à plus de 32 000 euros. Ensuite, les juges relèvent que compte tenu de son ancienneté de 4 ans, la salariée aurait bénéficié d’une indemnité comprise entre 3 et 4 mois de salaire, soit 13 211,25 euros et 17 615 euros. Ainsi, si le barème était appliqué, le préjudice réellement subi par la salariée aurait été indemnisé qu’à hauteur de moitié. Les juges concluent alors qu’en l’espèce, les barèmes ne permettent pas une indemnité ni adéquate ni proportionnée, et écartent in fine l’application du barème. Cette décision est donc inédite. Néanmoins, il apparaît bien que la preuve du préjudice réel est nécessaire pour pouvoir écarter l’application des barèmes. A titre d’exemple, dans l’arrêt du 30 octobre 2019, les barèmes étaient appliqués parce qu’ils permettaient d’indemniser concrètement et entièrement le préjudice du salarié licencié. Il est nécessaire de rappeler qu’il existe tout de même des solutions pour solliciter des indemnités au delà des barèmes, en effet, le salarié licencié peut toujours demander au juge des dommages et intérêts au titre d’un préjudice distinct, ou au titre d’une rupture brutale et vexatoire. Cependant, cette décision est à prendre avec précaution puisqu’un pourvoi a été formé. Une position claire de la Cour de cassation est attendue à ce sujet. |